خلاصة:
Le narrateur proustien – comme d‟ailleurs l‟auteur lui-même – est
élevé dans un milieu familial et social où l‟intelligence était hautement
valorisée et appréciée. Pour lui, comme pour le philosophe Gilles
Deleuze, « rien ne donne plus à penser que ce qui se passe dans la tête
d‟un sot » (2003, 101). C‟est ainsi qu‟A la recherche du temps perdu,
souvent considéré comme le magnifique monument littéraire construit
sur le temps, l‟amour et la création artistique, ne perd rien à être
envisagé comme une Encyclopédie –moderne– de la bêtise humaine.
Par exposition d‟une vaste variété de portraits et de discours bêtes et
en en faisant un sujet de rire, le narrateur proustien trouve son propre
moyen artistique afin de « nuire à la bêtise ». Au niveau
philosophique, seule la formation de la pensée peut expliquer celle de
la bêtise. Nous croyons que ce genre de la bêtise philosophique a
également ses effets sur le plan discursif et communicationnel ; car,
avant de se traduire en actes, c‟est dans le discours que la bêtise se
saisit. Elle y prend les formes les plus caricaturales, et fait ainsi
tomber le discours dans l‟automatisme du cliché et des idées reçues.
Dans la démarche qui consiste à analyser la bêtise du discours des
personnages, nous avons pris en compte aussi bien la dimension liée à
la reconstitution de la bêtise dans la parole que celle liée à la réussite
ou à l‟échec des énoncés dans un échange conversationnel
ملخص الجهاز:
"La tante Léonie, le docteur Cottard, les Verdurin et bien d‟autres personnages proustiens constituent des héros de la bêtise et du snobisme dans le roman proustien, dont la moindre manifestation de la bêtise se fait remarquer par le regard intelligent et minutieux d‟un narrateur vigilant, aux yeux de qui rien ne peut rester caché.
La bêtise est « une question d‟usage de la 1Le narrateur fait allusion à cette qualité dans Le temps retrouvé : « Aussi le charme apparent, copiable, des êtres m‟échappait parce que je n‟avais plus la faculté de m‟arrêter à lui, comme le chirurgien qui, sous le poli d‟un ventre de femme, verrait le mal interne qui le ronge.
Les membres de ce clan suivent scrupuleusement les ordres et les goûts de la Patronne –Mme Verdurin– et trouve leur identité dans l‟adhésion à un credo qui consiste à répéter à chaque fois ces discours figés : « le jeune pianiste, protégé par Mme Verdurin […], „enfonçait‟ à la fois Planté et Rubinstein », « le docteur Cottard avait plus de diagnostic que Potain » et « les soirées des gens qui n‟allaient pas chez eux –les Verdurin– étaient ennuyeuses comme la pluie » (Proust, 1999, 157).
Arrivant à cette constatation à propos des voisins, la tante Céline trouve une bonne occasion pour remercier Swann ; mais d‟une manière si implicite que 5 Un acte de langage est un moyen mis en œuvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots."