Abstract:
L’aspect psychanalytique de l’écriture romanesque chez Pascal Quignard a été signalé à maintes reprises par les critiques littéraires. Le Salon du Wurtemberg qui bénéficie plus que les autres romans quignardiens d’une ample élaboration romanesque, pourrait bien illustrer cette «fictionalisation de la cure psychanalytique» chez cet écrivain. Le narrateur de ce roman se retourne comme malgré lui vers un passé obsessionnel qu’il espère conjurer par l’écriture. La présente étude se propose d’analyser, en recourant à la narratologie, les techniques narratives mises en oeuvre par le narrateur quignardien, ainsi que l’adaptation de ces dernières à l’objectif du narrateur qui est de faire cesser le retour interminable d’un passé traumatique. Selon Freud, l’abréaction du refoulé exige la «réconciliation» de l’analysé avec ses souvenirs traumatiques. L’étude du mode narratif du Salon du Wurtemberg nous permettra de préciser le degré de cette réconciliation chez le narrateur. En effet, portant sur la manière de représentation du monde romanesque, le mode narratif détermine la distance à laquelle se tient le narrateur par rapport à ce qu’il raconte. Ainsi, par l’étude du mode narratif, nous serons en mesure de préciser si le narrateur a réussi à évoquer entièrement et sans détours ses souvenirs obsédants.
Machine summary:
La présente étude se propose d’analyser, en recou rant à la narratologie, les techniques narratives mises en œuvre par le narrateur quignardien, ainsi que l’adaptation de ces dernières à l’objectif du narrateur qui est de faire cesser le retour interminable d’un passé traumatique.
Etant donné que l’histoire racontée par le narrateur quignardien porte sur son passé traumatique, l’étude des modalités de représentation de cette histoire révélera la nature de son rapport avec ses souvenirs refoulés.
En répondant à la question de Jean-Pierre Salgas qui l’interroge sur sa position par rapport à l’œuvre de Marcel Proust et à celle de George Perec, Quignard affirme que dans sa quête du passé il est influencé plutôt par Perec car il met en valeur la perte et l’oubli contre toute possibilité d’établir la vérité: «Perec, je le vénère pour son silence, sa façon d'enfouir le secret et de le laisser affleurer, de s'adresser au trou vide de son enfance et de ne pas ciller des yeux.
Pour répondre à ces questions, il faut étudier le rapport qu’entretient le narrateur avec le monde romanesque (qui est dans le cas présent son passé refoulé dont il fait le récit) afin d’examiner si le narrateur cherche encore à esquiver son passé ou s’il permet à cela de se manifester totalement.
L’étude des choix effectués dans ces deux domaines, dans Le Salon du Wurtemberg, nous permet de constater si le narrateur arrive enfin à surmonter la résistance qu’il éprouve à évoquer son passé traumatique (qui est l’objet de sa perception) et à le représenter ouvertement et sans aucune censure.