Abstract:
L’apprentissage du FLE, tel que piloté par la France et le CECR
aujourd’hui, cible la langue d’usage et non plus la langue de culture.
Cette voie, faussement évidente, est en fait idéologique, sous-tendue
par une conception consumériste néolibérale qui est critiquable à deux
niveaux: celui des valeurs morales, mais aussi celui de l’efficacité,
puisque peu d’étudiants semblent capables d’assimiler durablement la
langue étrangère et de mener des études universitaires de haut niveau
dans cette langue. Nous proposons au contraire, dans le fil des travaux
de Kahnamouipour et Khattate, mais aussi de la linguistique de
Rastier et de la poétique de Meschonnic, de renouer l’étude précise de
la langue avec la littérature, le théâtre et la poésie pour créer une
nouvelle alliance entre d’une part l’émotion et la réflexion, d’autre
part l’écrit et l’oral - la langue étrangère devenant une seconde langue
maternelle, mais imaginaire, et un lieu de formation subjectif et
intellectuel de la personne.
Machine summary:
On pourrait faire l’hypothèse que la moindre qualité de langue de ces étudiants venant faire en France des études universitaires de troisième cycle tient à plusieurs facteurs, endogènes (que je laisserai de côté), dont: - le démarrage tardif de la langue française dans leur cursus; - la séquentialité anglais-français; mais aussi à des facteurs exogènes (endogènes pour moi, Français), propres à l’enseignement du français langue étrangère (FLE), refondé sur l’idéologie, promue par le CECR1, de la communication et de l’utilitarisme que je qualifierais de primaires, ayant cours aujourd’hui en France 2: - l’abandon presque radical de la littérature, et notamment de la poésie et du théâtre - ce qui est contraire aux traditions de maint pays, dont l’Iran, l’Afghanistan, l’Inde, pays de poésie et de mystique; - le renversement de la relation entre écrit et oral, tant dans sa séquentialité que dans ses valeurs; - la faible considération pour la grammaire qui avait paru jadis trop hégémonique dans l’enseignement.
Retrouvant quelques-uns de mes anciens étudiants iraniens dans les années 2000 et 2010 (à qui j’avais enseigné, trente ans plus tôt, la langue par la méthode audio-visuelle communicationnelle La France en direct3) je fus très surpris de constater qu’ils avaient perdu tout leur français, sauf quelques formes de dialogue très vives du début d’apprentissage, et que leur anglais était lui-même devenu faible, alors que dans les années soixante-dix des francophones âgés me disaient n’avoir plus parlé français depuis des décennies tout en le parlant encore fort bien, quoique de façon un peu livresque.